EXPÉRIMENTATIONS CAPILLAIRES
Expérimentations capillaires
Symbole de distinction, de pouvoir, de rang social, de religion ou de beauté, le cheveu a toujours fait l’objet d’une obsession, d’un fantasme. Récemment, il redevient matière à réflexion et à expérimentation chez les artistes, artisans, designers et éditeurs en quête d’éco-responsabilité et de matériaux singuliers.
Sa force se trouve dans son immortalité : même coupé à la racine, il est impérissable. Autre atout : sa kératine, protéine sacrée, en fait un colorant immuable. Matière première en abondance sur la planète, la fibre ancestrale s’emmêle et s’entremêle aujourd’hui dans le répertoire des créatifs Antonin Mongin, Fabio et Martijn Rigters, Hermès, Métaphores… Décryptage (un poil) tiré par les cheveux.
LES CHEVEUX S’EMMÊLENT DANS LE TEXTILE
Le créatif Antonin Mongin développe une approche du cheveu aussi radicale qu’expérimentale. Ancien étudiant au laboratoire de recherche de l’Ensad Lab, il ressuscite une pratique ancienne : celle de nouer ensemble cheveux et matières. Comme le faisaient déjà les artistes du 19ème siècle, récupérant des endeuillés quelques mèches de leur proches, pour en faire des reliques tels que des accessoires, tableaux ou médaillons.
De mèche avec le design textile, le chercheur tisse et tresse le cheveu humain à d’autres fibres organiques et impérissables, y mêle teintures, formes géométriques et autres fantaisies. Avec pour but premier de redonner toute sa place fonctionnelle, symbolique et écologique et esthétique à ce poil sacré.
COULEURS, TIFS ET MOTIFS
Les designers d’objets et artisans s’attachent aussi à couper les cheveux en quatre quand il s’agit d’ennoblir la matière capillaire. À l’instar de Fabio et Martijn Rigters, qui font du cheveu une encre d’ornementation pour les objets et le mobilier. En appliquant une grande quantité de cheveux sur une surface chauffée, le matériau se carbonise instantanément et agit comme une teinture organique. Cette réaction est causée par la principale protéine du cheveu : la kératine.
Davantage brutaliste, Studio Swine fige le poil dans la bio-résine. Le studio intègre mouvements et nuances dégradées à ses accessoires inspirés de la dynastie Qing et de l’ère Shanghai-Deco des années 1920 dans son projet Hair Higway.
Pour Cécile Arnould, le poil est d’abord porteur d’une identité et d’une mémoire qu’elle cherche à matérialiser via des céramiques sculptées dans le cheveu même.
LES NOUVELLES VIES DU CRIN DE CHEVAL
Comme la chevelure humaine, le crin de cheval possède sont lot de surprises dans la création artisanale. Sa longueur, sa brillance et son épaisseur en font un matériau solide, malléable et esthétique. C’est pour ces raisons que la maison Hermès a racheté l’Atelier de Challes, dernière manufacture au monde à tisser le poil chevalin. Ensemble, ils réenchantent le tissu à trame de crin, un savoir-faire quasi disparu.
Au cœur du même atelier, Métaphores, marque pionnière dans le tissage et l’édition d’étoffes, rattachée au département textile de l’ancienne maison de sellerie, imagine des tissus précieux qui mêlent le crin à de nombreuses autres matières organiques : lin, laine, sisal, coton…
Dans un style plus fantaisiste, Röd Studio compose des vases tuftés et agrémentés de mèches chevalines. Des créations poilues de créativité.
LE CRIN DE CHEVAL EN TROMPE L’ŒIL
La démarche est inversée à l’atelier artisanal mexicain Caralarga qui reprend l’esthétique capillaire en trompe l’œil. C’est à partir de fibres 100% végétales comme le coton brut et des restes de tissus abandonnés que l’entreprise fabrique des œuvres aux allures d’atébas XXL ou de queue de cheval dans des nuances allant de l’ivoire nacré aux couleurs de terres foncées.
Sur le site GOODMOOODS : https://www.goodmoods.com/fr/news/experimentations-capillaires