Anne Midavaine
Interview Anne Midavaine
L’Atelier Midavaine. Plus de 100 ans d’histoire, une entreprise d’artisanat d’art, la laque, dont le savoir-faire est passé de père en fils puis de père en fille. Cette dernière, Anne Midavaine, reprend l’affaire familiale en 1994. Dès son enfance, l’atelier du 54 rue des Acacia devient son point de repère. C’est ici que son grand-père, Louis Midavaine, entre les carrossiers et les ébénistes de la rue de son époque, choisit de poser ses valises.
Réaliste et passionnée, Anne Midavaine s’est posé un objectif simple : conserver un savoir-faire familial d’excellence. Pour se faire, celle qui se décrit avant tout comme une cheffe d’entreprise agit en conséquence. Cartier, Bulgari, esthètes privés… Les collaborations de haute-volée viennent à elle et sont gérées d’une main de maître. Découverte d’une femme et d’un atelier d’exception.
La genèse de l’Atelier Midavaine ?
« C’est mon grand-père qui a fondé l’entreprise en 1919. C’était un invalide de guerre qui souhaitait se reconvertir dans la laque qu’il avait découverte au début du vingtième siècle avec l’effusion de l’art asiatique. J’ai ensuite repris les rênes de l’atelier en 1994 après mon père. C’est vraiment ma maison ici, j’ai vécu là toute mon enfance. »
C’EST QUOI LA LAQUE ?
« La laque c’est au départ une résine qui se saigne d’un arbre en asie. En Europe, l’espèce d’arbre en question n’existe pas. Les frères Martin ont donc créé le vernis Martin au dix-huitième siècle, qui provient du pin. À l’atelier Midavaine, on utilise de la laque cellulosique. Celle-ci est apparue après la première guerre. Mon grand-père avait fait le choix de l’utiliser car elle sèche très rapidement par rapport aux autres vernis. »
Le projet qui vous occupe le plus en ce moment ?
» Nous collaborons actuellement avec Plendi by Vinci Construction sur un décor pour une boutique Cartier. Nous travaillons main dans la main avec des architectes comme Laura Gonzalez et Moinard Bétaille. On a également des demandes de laques à l’étranger, comme en Corée ou à Amsterdam. »
Une nuance de couleur qui vous suit ?
« Toutes. Nous choisissons la couleur en fonction de la demande du client et la laque cellulosique permet de travailler avec une large palette de nuances. »
Qu’est ce qui a façonné votre goût ?
« Ma famille, mon enfance. J’ai vécu dans un appartement rempli de laques faites par mon père ou mon grand-père. Petite, je passais beaucoup de temps à l’atelier et puis il y a aussi les rencontres avec les autres artisans, les voyages, les sorties aux musées… »
Quel est le processus de travail à l’atelier ?
« Le projet se construit au fur et à mesure. D’abord nous obtenons une première esquisse artistique de la marque qui vient nous voir. Nous proposons alors une première œuvre dessinée à la main, des échantillons de matières…Et enfin, on se retrouve à un grand rendez-vous commun pour valider définitivement ce que la marque souhaite. Une fois ces premières étapes passées, on passe de un à quatre mois sur la fabrication de la pièce »
Des créatifs qui vous influencent ?
« On est tellement artisans d’arts que toute influence créative se fait dans la collaboration directe avec d’autres artisans. Notre travail est donc d’abord influencé par ces personnes que nous fréquentons. »
Un lieu culturel où retourner chaque semaine ?
« Le Louvre. J’en ai déjà plusieurs fois fait le tour. Paris est une ville culturelle exceptionnelle en soi. »
Forme, fonction ou fantaisie ?
« L’esthétique l’emporte sur le fonctionnel. Mais dans une rigueur absolue. On a sa liberté que dans la règle. »
Votre rôle ici ?
« Je suis d’abord manager. J’ai une vraie connaissance de l’art mais je ne suis pas une artiste. Et je pense que c’est cette alliance de la création et de l’organisation qui peut amener un atelier plus loin. C’est un secret de notre réussite. »
Une pièce design que vous rêveriez d’acquérir ?
« Le fumoir Les Palmiers du grand laqueur et dinandier Joseph Dunand. »
Votre Madeleine de Proust ?
« Chaque recoin de l’atelier Midavaine qui me rappelle mon père et mon grand-père. »
Un endroit où retourner régulièrement ?
« Venise. À chaque fois que j’y pose un pied je suis éblouie par sa beauté. »
L’architecte qui construirait la maison de vos rêves ?
« L’américain Frank Lloyd Wright. »
Sur le site GOODMOOODS : Rencontre avec Anne Midavaine, héritière d’un atelier centenaire (goodmoods.com)